Le bâtiment

Le Théâtre exemplaire des nouvelles urbanités

Depuis près de 40 ans, depuis l'exposition universelle de 1958, Bruxelles a été le théâtre d'évolutions multiples et contradictoires : parmi celles-ci figurent, d'une part, le renforcement de sa position institutionnelle de capitale de l'Europe et, d'autre part, un enlisement dans une médiocrité consternante dans les domaines de l'urbanisme, de l'architecture et de l'aménagement des espaces publics. Cette accablante dégénérescence de la ville et de l'agglomération urbaine en une période couverte par deux générations seulement - la plus contre-productive en ces domaines dans l'histoire millénaire de la cité - a donné lieu à un nouveau belgicisme : la « bruxellisation », un néologisme qui a été adopté à l'étranger en diverses langues pour définir les processus et les résultats du démantèlement et de la dévitalisation du tissu urbain. Ainsi s'est matérialisée une violente contradiction entre Bruxelles - capitale de l'Europe devenue en quelques décennies l'archétype d'un aménagement urbain négatif et l'Europe elle-même porteuse des traditions de création urbaine les plus brillantes, les plus intelligentes et les plus diversifiées du monde. Une tradition, qu'on peut résumer en un mot essentiel et porteur de civilisation : l'urbanité. L'urbanité, au sens moderne du mot, est à la fois « l'art de décider la ville, l'art de faire la ville, et l'art de vivre la ville ». Ce triple savoir-faire - essentiel à toute vitalité urbaine - a été ignoré et bafoué en Europe depuis la deuxième guerre mondiale. Après cette tragique amnésie, il a été redécouvert, réinterprété, réactualisé et mis en chantier en termes contemporains dans quelques villes pilotes d'Europe depuis une ou deux décennies : de Barcelone à Stockholm, de Paris à La Haye, de Lyon à Berlin, de Copenhague à Nîmes, de Glasgow à Bilbao. Ces deux derniers exemples évoquent la métamorphose très médiatisée de deux villes victimes de la désindustrialisation qui ont su spectaculairement reconquérir une nouvelle urbanité qu'on pensait irrémédiablement perdue. (...)

Jean Dethier

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